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Les collectivités assistent impuissantes depuis plusieurs années à la baisse des financements publics et à l’augmentation des exigences administratives et fiscales. 

Fort heureusement, ces dernières ne délaissent pas pour autant leurs projets à échelle communale ou intercommunale. 

Longtemps privilégié par le monde associatif, le mécénat attire aujourd’hui de plus en plus de collectivités territoriales en manque de dotations.

Des mécènes privés, entreprises ou particuliers, sont alors invités par les collectivités à financer des projets aussi riches que variés et se voient offrir la possibilité de bénéficier d’une réduction d’impôt. 

Le mécénat est défini par le législateur comme “le soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général1

Une étude réalisée par EY et/ EXCEL, en octobre 2014 atteste que le mécénat est accueilli très favorablement par les Français, et ce quel que soit leur orientation politique. 

L’étude précitée établit comme suit : 

-74 % des Français sont favorables au mécénat des entreprises à destination des collectivités. 

-50% des Français sont favorables au fait que les collectivités puissent les solliciter pour des dons.

Cette même étude relève que 1 Français sur 3 envisagerait de faire un don pour financer un projet d’intérêt général porté par une collectivité́. 

Le mécénat au bénéfice des collectivités territoriales pourrait alors devenir un mode de financement alternatif ! 

Cependant, avant tout lancement d’appel aux dons sur les territoires des communes, des départements et des régions, il est primordial de s’assurer que le projet puisse effectivement bénéficier d’un mécénat déductible. 

  1. Des conditions cumulatives d’éligibilité au mécénat

L’instruction fiscale impose que plusieurs conditions cumulatives2 soient satisfaites par les collectivités afin de permettre aux donateurs de bénéficier du régime fiscal du mécénat. 

Il convient de noter que pour chaque don, les particuliers pourront bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu égale à 66 % du montant du don, dans la limite de 20 % du revenu imposable3

Les entreprises pourront, quant à elles, bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 60 % du montant du don, dans la limite de 5‰ du chiffre d’affaires4

Le Code général des impôts exige la réunion de l’ensemble des conditions suivantes : 

-L’organisme doit être d’intérêt général. Ainsi, il ne doit pas exercer d’activité lucrative prépondérante ; sa gestion doit être désintéressée et, enfin, il ne peut fonctionner au profit d’un cercle restreint de personnes. 

– L’activité de l’organisme doit être exercée en France ou dans un Etat membre de l’Union européenne5, ou de l’Espace économique européen, à condition d’avoir conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale. 

– Le projet soutenu doit être relié aux activités légalement éligibles, énumérés dans le Code général des impôts, soit correspondre à une œuvre « ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, […] à la défense de l’environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ».6

– Les dons doivent être affectés aux seules activités non lucratives

 – L’organisme doit délivrer un reçu fiscal. La forme est libre, cependant le reçu fiscal doit impérativement contenir toutes les informations présentes dans le modèle de reçu fiscal officiel7

  1. La reconnaissance de l’éligibilité des collectivités au régime fiscal du mécénat

Si la loi prévoit que les collectivités territoriales sont éligibles à recevoir des dons et legs8, ce sont plusieurs réponses ministérielles qui ont permis l’essor du mécénat au bénéficie des collectivités en garantissant le bénéfice des incitations fiscales. 

L’exécutif ouvre, tout d’abord, la possibilité de déduire les versements aux seules entreprises pour ensuite intégrer les particuliers et permettre aux collectivités d’émettre des reçus fiscaux. 

« Il a été admis que les versements faits au profit d’une collectivité territoriale puissent être déduits au titre de l’article 238 bis s’ils sont spécialement affectés au financement d’activités présentant l’un des caractères énoncés par le texte. » 

Réponse ministérielle à M. Destot, JOAN CR du 24/04/1989, n° 5817 

« Il est également admis que l’avantage fiscal s’applique aux dons effectués au profit d’une collectivité locale sous condition d’affectation à la réalisation d’un objet social ou humanitaire. Dans ce cas, il appartient alors au comptable public qui a reçu les dons d’établir les reçus fiscaux conformément au modèle prévu. » 

Réponse ministérielle à M. Kergueris JOAN CR du 30/12/2002, n° 4771 5

Des réponses ministérielles plus récentes abordent dans son entièreté ce sujet et exigent que les versements à destination des collectivités soient isolés au sein de chaque comptabilité afin garantir la destination du don. 

« Les dons effectués par des personnes privées à des collectivités territoriales pour le financement de programmes ayant un des caractères mentionnés à l’article 200 précité peuvent ouvrir droit à l’avantage fiscal, toutes les conditions étant par ailleurs remplies. À cette fin, la collectivité doit isoler les versements en cause au sein de sa comptabilité et s’assurer qu’ils sont utilisés conformément à leur objet. Il appartient par ailleurs au comptable public destinataire des versements d’établir au nom de chaque donateur un reçu fiscal conforme au modèle fixé pour lui permettre de bénéficier de la réduction d’impôt déjà citée ». 

Réponse ministérielle à M. Brottes JOAN CR du 08/08/2006, n° 91164 

Réponse ministérielle à M. Masson JO du 17/03/2011, n° 17637 

Réponse ministérielle à M. Joyandet JOA du 27/10/2016, page 4738 

Deux instructions fiscales9 de 2017 ont repris ces réponses ministérielles et prévoient expressément l’éligibilité des collectivités au mécénat, à condition que l’ensemble des conditions précitées soit rempli. 

Ceci implique notamment que le don soit affecté strictement à l’objet souhaité par le donateur et que cet objet soit prévu à l’article 200 ou à l’article 238 bis du CGI. 

Ainsi, il est essentiel que la collectivité publique isole les versements en cause au sein de sa comptabilité et s’assure qu’ils sont utilisés conformément à leur objet. 

Pour ce faire, la collectivité peut identifier une ligne « actions d’intérêt général » dans sa comptabilité ou affecter le don à une association ou une fondation qu’elle a créée pour cette activité d’intérêt général. 

En outre, un don versé à une collectivité territoriale n’est pas, en tant que tel, éligible à la réduction d’impôt : la condition d’intérêt général, au sens fiscal du terme, doit être examinée. 

La gestion désintéressée est, quant à elle, présumée. 

  1. La nécessaire prise en compte des risques liés au mécénat pour les collectivités

Il convient de rappeler que :

 « Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables des actes et contrôles qui leur incombent »10.

Les comptables de fait sont également exposés à une responsabilité équivalente. 

Il n’existe cependant aucune autorisation administrative préalable ni aucun contrôle a priori de l’Administration quant à l’éligibilité d’un organisme au régime de mécénat. 

Les organismes recevant des dons apprécient eux-mêmes s’ils remplissent ou non les conditions pour bénéficier de dons de particuliers. Ainsi, le système est purement déclaratif et la délivrance de reçus relève de leur unique responsabilité. 

Seul dans le cadre d’un contrôle fiscal, les services fiscaux détermineront si le reçu a été émis à bon droit. 

Or la sanction est lourde ! 

Dans le cas, en effet, où un organisme aurait délivré à tort un reçu, il encourt une amende égale à 25 % ou une amende égale au montant de la réduction d’impôt indûment obtenu !11

Si les marchés publics sont des « contrats conclus à titre onéreux»12, le mécénat, quant à lui, est un don soit un acte à titre gratuit. 

Il n’existerait donc a priori pas de risque de conflit. 

Cependant, il est à noter qu’une importante contrepartie peut entraîner de lourdes conséquences telles que : 

– La requalification du contrat de mécénat en contrat à titre onéreux ; 

– La requalification du contrat à titre onéreux en marché public ; 

– L’obligation de respecter la mise en concurrence ; 

Dans l’hypothèse où le délit d’octroi d’avantages injustifiés serait reconnu par le Tribunal, l’agent d’État ou l’élu risque jusqu’à un emprisonnement de 2 ans et une amende de 200 000 euros13

Plusieurs réponses ministérielles ont alors ouvert la possibilité aux collectivités de solliciter l’Administration pour que celle-ci apprécie les critères du code général des impôts. 

« Le point de savoir si toutes ces conditions sont réunies dépend des modalités d’action et de fonctionnement propres à chaque organisme et nécessite par conséquent une analyse au cas par cas. Dès lors, les collectivités territoriales qui le souhaitent peuvent, dans le cadre de la procédure définie aux articles L. 80 C et R.* 80 C-1 à R.* 80 C-4 du livre des procédures fiscales, demander à l’administration de se prononcer sur leur situation au regard des dispositions fiscales relatives au mécénat.». 

Réponse ministérielle à M. Masson JO du 17/03/2011, n° 17637 

Réponse ministérielle à M. Joyandet JOA du 27/10/2016, page 4738 

Le législateur a, ainsi, institué une procédure de rescrit fiscal14 permettant aux organismes de s’assurer que leurs projets répondent effectivement aux critères définis aux articles 200 et 238 bis du code général des impôts. 

Cette démarche doit impérativement intervenir préalablement à la délivrance des reçus fiscaux. 

L’Administration dispose alors d’un délai de six mois pour répondre. 

En cas de silence de l’Administration, l’organisme peut se prévaloir d’une réponse positive tacite. 

L’administration ne pourra ensuite pas appliquer la structure de l’amende fiscale. 

Il convient de préciser que la réponse de l’Administration ne vaut que pour la situation décrite. 

L’administration n’est donc plus tenue à sa position si la situation de la structure ou le projet évoluent. 

Cette disposition vise à assurer aux organismes d’intérêt général ainsi qu’aux donateurs une plus grande sécurité juridique. Il est donc vivement conseillé de solliciter l’Administration fiscale avant toute délivrance de reçus fiscaux ! 

Cet article a été rédigé dans le but d’apporter aux collectivités intéressées par le mécénat quelques éléments afin d’appréhender cette thématique et d’envisager avec elles le devenir de leurs projets.

***

1 Arrêté du 06/01/1989 relatif à la terminologie économique et financière

2 BOI-BIC-RICI-20-30-10-10 du 10/05/2017 pour les entreprises ; BOI-IR-RICI-250-10-10 du10/05/2017 pour les particuliers.

3 CGI, Art. 200

4 CGI, Art. 238 bis

6CGI, art 200 pour les particuliers et art. 238 bis pour les entreprises

7Modèle Cerfa n° 11580*03

8CGCT, art. L 2241-1 pour les communes, art. L 3213-6 pour les départements et art L 4221-6 pour les régions

 9BOI-BIC-RICI-20-30-10-10, du 10/05/2017 pour les entreprises ; BOI-IR-RICI-250-10-10, du10/05/2017 pour les particuliers

10 Décret 2012-1246 du , art. 17

11CGI, Art.1740 A

12 Ordonnance n° 2015-899 du 23/07/2015, Art 4

13Code pénal, Art 432-14

14Livre des procédures fiscales, Art L. 80 C